Communiqué de Presse – Justice – 19 04 21 –
La disparition des jurés populaires pour juger de certains crimes : une « régression démocratique »
Gulsen Yildirim, secrétaire nationale à la justice
Le projet de loi visant à « restaurer la confiance dans l’institution judiciaire », présenté hier par le garde des Sceaux contient l’abolition pure et simple des cours d’assises pour juger des crimes passibles de quinze à vingt ans de réclusion criminelle, privant la justice des verdicts des jurés populaires.
Quelle confiance restaure-t-on lorsque la principale mesure d’un texte est d’exclure le citoyen du processus judiciaire ?
Cette annonce intervient alors même qu’une expérimentation des cours criminelles est menée pendant 3 ans dans plusieurs départements.
Pour rappel, portée antérieurement par des gouvernements de droite sans parvenir à l’instaurer, la disparition du jury populaire pour une grande partie des crimes a été accusée par les professionnels d’éloigner encore plus les citoyens de la justice et donc de « régression démocratique ». Elle risque ainsi d’aggraver la rupture entre eux et les institutions censées le représenter.
Des avocats redoutent par ailleurs une réduction du temps des débats au détriment de la qualité du procès. Enfin la réforme introduit une « gradation dans les crimes », avec des infractions considérées comme plus graves que d’autres puisque les cours d’assises continueront de juger les crimes passibles de peines plus lourdes, comme les meurtres ou les assassinats. Or pourquoi un viol devrait être jugé par une juridiction composée de professionnels et un meurtre par la « vraie » cour d’assises ?
D’ailleurs, Éric Dupont-Moretti, alors avocat, avait manifesté son opposition à cette réforme estimant que « la cour d’assises va mourir […]. La Justice dans notre pays est rendue au nom du peuple français, et on est en train de l’exclure […]. Il n’y a rien de plus démocratique que la cour d’assises » (intervention du 6 juin 2020).
Cette généralisation des cours criminelles sans jury populaire enclenche un mouvement vers une disparition pure et simple des jurés sans se poser les bonnes questions et notamment celle des moyens accordés à la justice pénale. Si les moyens matériels et humains pour renforcer les greffes et les magistrats ne suivent pas, les cours criminelles qui exigent la présence de 5 magistrats (au lieu de 3 pour les cours d’assises) seront, comme les assises aujourd’hui, rapidement débordées. Or en 2021, le nombre de postes de magistrats mis au concours subit une baisse historique (195 postes au lieu pour 250 en 2020 pour les trois concours).
Face à de tels risques et à l’atteinte à un héritage issu de la Révolution française, il aurait été souhaitable d’attendre la fin de l’expérimentation des cours criminelles.
Le Parti socialiste regrette cette précipitation aussi inopportune qu’inutile et réaffirme son attachement à l’expression du peuple souverain dans la justice, condition essentielle d’une confiance restaurée.